Traductions : danger


Qu’elles soient jurées ou non elles n’ont pas vocation à remplacer les originaux.

Aucun traducteur n’est infaillible; les traductions ne remplacent pas les originaux. A partir de ces postulats, quel sort doit-on faire aux traductions ? Un vrai problème se pose en droit international où les traductions sont monnaie courante.

Les écrits en langue étrangère produits devant les tribunaux français sont généralement traduits. En l’absence de loi spécifique sur les traductions, il s’est établi l’usage de verser aux débats des traductions jurées.

Or, celles-ci ne sont pas des labels de conformité. Le caractère juré ne confère aucune valeur incontestable et définitive au texte de la traduction qui ne se substitue en aucune façon à l’original en langue étrangère. En effet, ce serait dangereux car une erreur de traduction est toujours possible, que ce soit par distraction, par omission d’une négation, ou pour d’autres raisons.

Par exemple: en français “sans doute” signifie “très probablement, avec un léger doute”; en italien  “senza dubbio” (littéralement: “sans doute”) signifie “sans aucun doute”, ce qui est très différent pour ne pas dire opposé. Les expressions juridiques classiques “recedere da un contratto” (se délier d’un contrat par une déclaration unilatérale transmise à l’autre cocontractant), ou “recesso” (droit de mettre fin unilatéralement à un contrat) peuvent faire l’objet de traductions fantaisistes. Il en est de même de la “disdetta” (dénonciation unilatérale d’un bail) qui n’est en aucune façon un “dédit, peut être une “résiliation” ou un “congé”; ce dernier n’étant jamais, pour sa part, le “congedo” italien !

Les auxiliaires de justice (avocats, notaires, experts…) et les tribunaux doivent donc se montrer très vigilants à l’égard de toutes les traductions: qu’elles soient jurées ou non. Admettre par principe les traductions jurées et écarter systématiquement celles qui ne le sont pas procéderait d’un leurre et ne serait pas légal, surtout à l’heure de l’Union Européenne.

Une traduction jurée pouvant être tout aussi déficiente qu’une traduction non jurée et susceptible d’induire pareillement en erreur, il n’y a pas de raison de privilégier l’une par rapport à l’autre. En revanche, les spécialistes qui en usent doivent s’en porter garants.

En effet, le contrôle a priori des traductions n’incombe pas aux Juges qui sont des arbitres, non nécessairement polyglottes, dont le rôle premier n’est pas forcément de vérifier les traductions.

Ainsi, toute traduction, jurée ou non, doit pouvoir être produite en justice à la seule condition qu’elle le soit sous le contrôle strict d’un internationaliste à charge par celui-ci de veiller à la conformité des textes et d’en endosser la pleine et entière responsabilité en cas de faux sens, non sens ou contresens. Il y a là une obligation de résultat à laquelle le juriste international ne saurait échapper.

Il serait bien venu de généraliser les déclarations sur l’honneur des avocats internationalistes attestant qu’ils sont bilingues et donc parfaitement à même de saisir toutes les subtilités des textes originaux traduits.

Dans l’intérêt d’une bonne justice, les écrits originaux doivent demeurer les documents de base prépondérants. Ils ne doivent jamais céder le pas aux traductions, quelles qu’en soient les formes. Par voie de conséquence, il ne faut pas hésiter à refuser de traiter les affaires internationales dont on ne maîtrise pas complètement la langue des textes originaux, ceux-ci étant la seule référence objective opposable à tous.

Agir autrement, exposerait aux erreurs judiciaires et à engager aveuglément sa responsabilité professionnelle.